L’odeur des sentiments, tome 1 paru en avril 2025.

Ses particularités
- Jeux de mots, traits d’humour et d’esprit
- Prose poétique
- Le mot juste pour chaque ressenti (odeur, sensation, saveur…)
- Anecdotes culturelles et historiques
Quelques extraits

« J’ai toujours été très sensible aux odeurs, jusqu’à frôler l’obsession. Une fascination particulière pour les odeurs charnelles… Mais pas seulement, j’accorde sans hiérarchie ni préférence autant d’importance aux odeurs des fleurs et plantes que je rencontre sur mon chemin, du parfum que portent les individus qui me frôlent ou prennent le même transport en commun, par exemple, l’odeur des plats et de la nourriture que l’on me présente (par exemple le vin, les fromages, mais aussi les légumes), des lieux et pièces que je visite et même celles des textiles que je projette d’acheter et qu’en amont, avant toute décision, j’approche de mon visage et que je caresse avec mon nez pour ressentir à la fois leur texture et leur odeur. Ma madeleine de Proust notamment est la tarte au maroilles que cuisinait ma grand-mère paternelle. Lorsque je cuisine ce mets, je me replonge immédiatement dans les saveurs et le réconfort de mon enfance. En revanche l’odeur rance d’un repas huileux, comme un menu de fast-food me déplaît au plus au point et me fait même fuir parfois. D’autres odeurs, telles celles musquées et capiteuses des parfums et déodorants pour homme m’indisposent horriblement.
(…)
L’odeur des chevaux et personnes qui ont marqué ma vie est très importante également et je crains toujours de les oublier avec le temps, lorsqu’ils ont emprunté une autre voie et que nos routes se sont séparées. Par exemple j’ai récemment eu la chance d’accueillir dans ma vie une autre magnifique et douce jument, prénommée Kiarah, qui accepte de passer quelques temps à mes côtés comme partenaire de jeux, de balades et de moments de tendresse (demi-pension, comme on dit dans le jargon de l’équitation, mais je n’aime pas vraiment ce terme, qui, bien qu’il ne soit pas aussi inapproprié selon moi que « propriétaire de cheval », reste dégradant, aussi bien pour l’animal que pour son gardien, qui sont réduits à un symbole de contrepartie financière en échange de soins… Bref, c’est un tout autre sujet). J’ai remarqué que Kiarah avait une odeur très similaire à une jument qui a marqué ma vie à jamais et que je considèrerai toujours comme la jument de ma vie, Bahia, une hispanique d’une très grande douceur avec un caractère bien trempé, têtue et joueuse. Kiarah est également très douce, bien plus patiente que Bahia, très volontaire et elle veut toujours faire plaisir à son cavalier, ayant, comme Bahia, à cœur de bien faire. Son odeur chaude et pénétrante d’équidé me redonne force et courage, me ramène dans une zone de confort bien connue et rassurante, son souffle tiède et douceâtre roulant sur ma chair me procure des sensations de bien-être et de paix intérieure singulières.
Pour tout dire, il n’y eut, dans ma vie, parmi tous ceux que j’ai eu le bonheur de rencontrer ou de voir évoluer, que deux chevaux qui m’ont spécialement marquée, au point que je ne pourrai jamais détrôner leur amour ni leur être « infidèle ». En fait, je crois que les chevaux sont pour moi comme les humains, mes relations amoureuses les plus pures et les plus fortes seront gravées à jamais dans ma mémoire comme des marqueurs indélébiles et je sais pertinemment que je ne pourrai plus jamais aimer quelqu’un autant que je les ai aimés (et les aime encore, finalement). Mais ça, nous l’aborderons plus tard. Pour en revenir aux chevaux, vous l’aurez compris, Bahia restera dans mon cœur et dans mon esprit la jument de ma vie. La relation que nous avions était très spéciale et les obstacles que nous avons surmontés, les qualités humaines qu’elle m’a permis de développer, la confiance qu’elle m’a accordée au fil du temps et des épreuves traversées sont uniques et hautement précieux. Notre lien d’amour mutuel est, j’en suis persuadée, immuable et personne ni aucun autre cheval ne pourra changer cela entre nous. La preuve en est que lorsqu’il m’arrive de retourner la voir, même si mon cœur se déchire, que les larmes me montent aux yeux et que mon âme culpabilise de l’avoir « laissée tomber » si brutalement après tant d’années de partage et de don de nous, je ressens sincèrement entre nous la même connexion authentique, pure et puissante qu’auparavant. Je sais qu’elle me reconnaît et que, dans sa grande bonté d’animal libre de nature et d’esprit, elle me pardonne. Bahia fut ma plus belle et grande histoire d’amour avec un cheval, ainsi que ma plus inoubliable expérience avec un animal.
Bien avant Bahia, un autre cheval marqua ma vie pour toujours : Graffiti, un pur-sang arabe gris avec lequel je n’ai fait que quelques balades de quelques heures pendant quelques semaines, mais qui m’a livré son cœur sans modération, sans condition et toute sa confiance dès le premier instant. J’ai rencontré ce hongre très brave et d’une grande douceur lorsque je devais avoir huit ans environ, en Lozère, pendant des vacances avec mes grands-parents maternels. Je ne saurais dire pourquoi Graffiti a tant marqué ma vie, peut-être parce que c’était le premier cheval avec qui je partageais autant de moments à l’époque ou en raison de son caractère très doux et généreux, qualités que j’ai toujours recherchées avec les chevaux, mais, quoi qu’il en soit, je ne pourrais jamais l’oublier.
Dans un autre registre, j’ai généralement des expériences négatives avec la parfumerie en général, même si en travaillant depuis bientôt trois ans avec un parfumeur j’ai appris à apprécier certaines fragrances. C’est en particulier l’une des raisons pour lesquelles j’évite d’entrer dans des boutiques de cosmétiques et de travailler dans des open spaces, endroits privilégiés pour sentir une multitude (nauséabonde pour moi) de parfums, généralement âpres et synthétiques. »
« Toujours dans le registre des réminiscences, les pâtisseries et autres gourmandises ont aujourd’hui une saveur nouvelle pour mon esprit, en particulier grâce à la redécouverte de mon odorat. Je m’explique, en tant qu’anorexique « guérie », si l’on peut dire, j’ai retrouvé ces dernières années les plaisirs de la vie et, ces derniers mois, même l’épicurisme. Voilà donc quelques hors-d’œuvre et mignardises pour vous mettre l’eau à la bouche avant de déguster le buffet à volonté qui se profilera tout au long de la lecture de cet ouvrage : gâteau chocolat et noix (recette inimitable du grand-père paternel), clafoutis aux cerises gourmand et acidulé de la grand-mère maternelle, champs d’oliviers gorgés de soleil, tournesols et blés à perte de vue dans le Sud de l’Italie… L’appétit se déclare-t-il aussi en vous ?
S’ils ne sont plus là, heureusement aujourd’hui il me suffit d’entrer dans la cour de la maison de mes parents, si la fenêtre de la cuisine est ouverte, pour sentir les délicieux effluves de truite aux amandes du père, ses merveilles (succulents beignets, dont il tient la recette de son propre père) ou encore de distinguer l’empreinte olfactive des lasagnes ou des macaroni au four de ma grand-mère maternelle (ma grand-mère habitant chez mes parents depuis bientôt six ans, à la suite du décès de son époux, l’Homme, le Mentor, l’illustre Humaniste que personne ne peut oublier et en raison de sa descente aux enfers psychologique ; ah ! la jeunesse qui nous abandonne lentement, écartelant en silence les lambeaux de chair et vulnérabilisant la lucidité et le bien-être mental, au regard de la décadence d’un corps et d’un esprit qui ne suivent plus le même rythme qu’autrefois…). »
« Comme beaucoup d’enfants, j’ai toujours vu mon père comme un Dieu. Je l’ai idéalisé, visualisé en de hautes sphères. Je l’ai toujours admiré et j’ai toujours ressenti pour lui une puissante compassion.
[…]
Mon père s’appelle Henri et je l’ai souvent imaginé dans le rôle d’Hercule. Bien qu’il ne semble y avoir aucune corrélation entre les deux, ce fut depuis toujours une “évidence” pour moi, ou plutôt une idée que je ne peux me sortir de la tête. Toujours dans le livre de Marie-Françoise Serre7, on peut lire ceci, en rapport avec la constellation Hercule (Mon père est très inspiré par les sciences et trouve beaucoup d’intérêt à l’astronomie, ce clin d’œil me semble donc d’autant plus intéressant) : Cette figure représente chez Aratos (poète grec du IIIe siècle av. J.-C.) “l’Agenouillé”, “un homme qui souffre”. Il ne sait pas, dit-il, quel est ce personnage en peine qui plie les genoux sous l’effort et écarte les bras en croix [NDA : Une autre image de référence à la symbolique similaire…]. Chez les Babyloniens, il y avait dans ce secteur un dieu assis.” Dans les récits de la Grèce antique, Héraclès est souvent associé à l’épithète “héros infatigable”.
Marie-Françoise Serre reprend : “Dans les textes les plus anciens, Héraclès n’a rien d’un Hercule de foire aux gros muscles et à la petite tête. Au contraire, il est sans doute d’une force “herculéenne”, mais il est plutôt de taille moyenne (nous dit Pindare) [NDA : Un homme tout ce qu’il y a de plus de plus “normal”, en d’autres termes] et ses succès sont dus surtout à son courage et à son intelligence. Sa vie est jalonnée d’épreuves tragiques.” J’ai aussi découvert dans ce livre qu’à l’origine Héraclès ne s’appelait pas ainsi (c’est un nom qu’il emprunta plus tard en raison du contexte) et qu’il avait un jumeau (comme mon père). Cela fait beaucoup de coïncidences…
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Parmi les leçons que m’ont inculquées les Argentins, en voici une qui me tient politiquement à cœur (et qui va assurément faire débat) : l’Argentin s’adapte à tout ou presque. Il ne pensera pas à demander une des allocations ou une subvention, parce que ça n’existe pas (en 2016 c’était tout juste s’ils découvraient les bourses universitaires). L’Argentin recycle, répare, invente, change de métier, entreprend, accepte que cela ne se passe pas comme c’était prévu et il ne voit pas de problème à cela. C’est juste un fait. Autant de valeurs et de principes qui sont les miens et font partie de l’éducation que j’ai reçue. Ils m’ont aussi enseigné le respect de la pachamama (« pacha » signifie, en aymara et en quechua, « terre » et « univers » et « mama » se traduit par « mère ». La pachamama symbolise donc la Terre-Mère), ainsi qu’un principe cardinal et crucial : la buena onda. La flexibilité de la buena onda innée, chez les Argentins (l’un des piliers de leur société, mélange de bonne humeur, d’optimisme, de gentillesse gratuite et de générosité). On pourra rapprocher l’enthousiasme argentin à la tendance des Américains du Nord à dire amazing ou great à tout bout de champ. Dans la vie de tous les jours l’enthousiasme se traduit par une volonté d’aller de l’avant, une facilité à se lâcher, à parler un peu fort sans gêne dans une langue étrangère sans honte, à sourire spontanément, à recevoir un inconnu en partant du principe que l’on s’entendra bien avec lui, à s’intéresser à son interlocuteur et à avoir envie en toutes circonstances de passer un bon moment, même éphémère et sans lendemain. Leur allégresse et leur désinhibition se retrouvent mêlés aux contacts physiques. On n’y craint pas de se toucher, de se prendre les bras ni de se cajoler pour se saluer ou se souhaiter la bienvenue. L’abrazo (équivalent du hug australien, repris par les Américains, mais plus câlin et sincère encore) est une norme lorsqu’on retrouve un ami (même une connaissance que l’on rencontre pour la première fois après une discussion sur les réseaux sociaux, par exemple. Voici un cas de figure de la vie courante en Argentine pour illustrer ces propos : lorsque je venais d’intégrer la faculté en Argentine, nous avons eu, comme c’est souvent le cas en France aussi, une réunion de présentation. J’y ai fait la rencontre de deux étudiantes en lettres, Pía et Juliana, dont l’une, Julí (de son surnom) faisait un doctorat et enseignait l’anglais. Après avoir déjeuné à la cantine nous nous sommes installées par terre, dans un couloir de la fac, afin de partager un mate (infusion d’herbe, la hierba mate, qui se sert telle quelle dans un récipient, puis on y ajoute de l’eau chaude). Le mate est vraiment, pour moi, l’emblème de la générosité des latino-américains. Le mate se boit dans une sorte de paille-cuillère en métal qui porte le nom de bombilla, partagée par tout le groupe, sans préoccupation d’hygiène ou d’autres pseudo-interrogations scabreuses occidentales. Un soir par semaine, après les cours avec des étudiants en master de deuxième année d’Histoire de la mémoire, nous partagions la même boisson, y compris avec la professeur, que l’on tutoyait et qui se considérait égale à ses élèves. Il en va de même avec des étrangers, comme je l’étais, même si vous ne le connaissez ni d’Ève ni d’Adam. J’ai également pu observer cela dans les longues files d’attente des services administratifs publics (on connaît ça aussi !). Si la personne est d’apparence sympathique ou si l’on veut entamer une conversation avec elle, alors il est tout naturel de lui proposer de partager son mate. Et il est considéré comme mal venu de remercier la personne qui propose, car c’est geste spontané et un remerciement en guise de « non diplomatique » serait perçu comme une offense, car cela mettrait en scène une sorte de distance pseudo-hiérarchique. »