J’ai toujours été très sensible aux odeurs, jusqu’à frôler l’obsession. Une fascination particulière pour les odeurs charnelles… Mais pas seulement, j’accorde sans hiérarchie ni préférence autant d’importance aux odeurs des fleurs et plantes que je rencontre sur mon chemin, du parfum que portent les individus qui me frôlent ou prennent le même transport en commun, par exemple, l’odeur des plats et de la nourriture que l’on me présente (par exemple le vin, les fromages, mais aussi les légumes), des lieux et pièces que je visite et même celles des textiles que je projette d’acheter et qu’en amont, avant toute décision, j’approche de mon visage et que je caresse avec mon nez pour ressentir à la fois leur texture et leur odeur. Ma madeleine de Proust notamment est la tarte au maroilles que cuisinait ma grand-mère paternelle. Lorsque je cuisine ce mets, je me replonge immédiatement dans les saveurs et le réconfort de mon enfance. En revanche l’odeur rance d’un repas huileux, comme un menu de fast-food me déplaît au plus au point et me fait même fuir parfois. D’autres odeurs, telles celles musquées et capiteuses des parfums et déodorants d’homme m’indisposent horriblement.

Viennent ensuite les nuances de fragrance, par exemple, pour les humains, les odeurs qui persistent après leur passage dans une pièce, comme l’odeur de ma grand-mère, fauve et âcre, propre aux personnes âgées, ou celle de sudation de mon feu grand-père ou de ma mère, l’odeur sauvage, voluptueuse, luxurieuse de mon premier amour après nos ébats, l’odeur d’une partie du corps d’une personne, bien différente d’une autre, l’odeur si apaisante, consolante, et toujours subtile de mon conjoint, par exemple l’odeur de sa peau qui me fait penser à celle d’un bébé (pour cette raison et pour bien d’autres je le surnomme « Mon poupon »), de son visage, de l’effluve de son haleine délicate… J’aime porter mon nez à sa nuque ou à son torse et le respirer littéralement, comme l’air pur et libérateur de la montagne, ou plonger ma tête dans ses cheveux.

L’odeur des chevaux et personnes qui ont marqué ma vie est très importante également et je crains toujours de les oublier avec le temps, lorsqu’ils ont emprunté une autre voie et que nos routes se sont séparées. Par exemple j’ai récemment eu la chance d’accueillir dans ma vie une autre magnifique et douce jument, prénommée Kiarah, qui accepte de passer quelques temps à mes côtés comme partenaire de jeux, de balades et de moments de tendresse (demi-pension, comme on dit dans le jargon de l’équitation, mais je n’aime pas vraiment ce terme, qui, bien qu’il ne soit pas aussi inapproprié selon moi que « propriétaire de cheval », reste dégradant, aussi bien pour l’animal que pour son gardien, qui sont réduits à un symbole de contrepartie financière en échange de soins… Bref, c’est un tout autre sujet). J’ai remarqué que Kiarah avait une odeur très similaire à une jument qui a marqué ma vie à jamais et que je considèrerai toujours comme la jument de ma vie, Bahia, une hispanique d’une très grande douceur avec un caractère bien trempé, têtue et joueuse. Kiarah est également très douce, bien plus patiente que Bahia, très volontaire et elle veut toujours faire plaisir à son cavalier, ayant, comme Bahia, à cœur de bien faire. Son odeur chaude et pénétrante d’équidé me redonne force et courage, me ramène dans une zone de confort bien connue et rassurante, son souffle tiède et douceâtre roulant sur ma chair me procure des sensations de bien-être et de paix intérieure singulières.

Pour tout dire, il n’y eut, dans ma vie, parmi tous ceux que j’ai eu le bonheur de rencontrer ou de voir évoluer, que deux chevaux qui m’ont spécialement marquée, au point que je ne pourrai jamais détrôner leur amour ni leur être « infidèle ». En fait, je crois que les chevaux sont pour moi comme les humains, mes relations amoureuses les plus pures et les plus fortes seront gravées à jamais dans ma mémoire comme des marqueurs indélébiles et je sais pertinemment que je ne pourrai plus jamais aimer quelqu’un autant que je les ai aimés (et les aime encore, finalement). Mais ça, nous l’aborderons plus tard. Pour en revenir aux chevaux, vous l’aurez compris, Bahia restera dans mon cœur et dans mon esprit la jument de ma vie. La relation que nous avions était très spéciale et les obstacles que nous avons surmontés, les qualités humaines qu’elle m’a permis de développer, la confiance qu’elle m’a accordée au fil du temps et des épreuves traversées sont uniques et hautement précieux. Notre lien d’amour mutuel est, j’en suis persuadée, immuable et personne ni aucun autre cheval ne pourra changer cela entre nous. La preuve en est que lorsqu’il m’arrive de retourner la voir, même si mon cœur se déchire, que les larmes me montent aux yeux et que mon âme culpabilise de l’avoir « laissée tomber » si brutalement après tant d’années de partage et de don de nous, je ressens sincèrement entre nous la même connexion authentique, pure et puissante qu’auparavant. Je sais qu’elle me reconnaît et que, dans sa grande bonté d’animal libre de nature et d’esprit, elle me pardonne. Bahia fut ma plus belle et grande histoire d’amour avec un cheval, ainsi que ma plus inoubliable expérience avec un animal.

Bien avant Bahia, un autre cheval marqua ma vie pour toujours : Graffiti, un pur-sang arabe gris avec lequel je n’ai fait que quelques balades de quelques heures pendant quelques semaines, mais qui m’a livré son cœur sans modération, sans condition et toute sa confiance dès le premier instant. J’ai rencontré ce hongre très brave et d’une grande douceur lorsque je devais avoir huit ans environ, en Lozère, pendant des vacances avec mes grands-parents maternels. Je ne saurais dire pourquoi Graffiti a tant marqué ma vie, peut-être parce que c’était le premier cheval avec qui je partageais autant de moments à l’époque ou en raison de son caractère très doux et généreux, qualités que j’ai toujours recherchées avec les chevaux, mais, quoi qu’il en soit, je ne pourrais jamais l’oublier.

Dans un autre registre, j’ai généralement des expériences négatives avec la parfumerie en général, même si en travaillant depuis bientôt trois ans avec un parfumeur j’ai appris à apprécier certaines fragrances. C’est en particulier l’une des raisons pour lesquelles j’évite d’entrer dans des boutiques de cosmétiques et de travailler dans des open spaces, endroits privilégiés pour sentir une multitude (nauséabonde pour moi) de parfums, généralement âpres et synthétiques.

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